La vape en ligne de mire du CNCT : vers une interdiction des arômes d’e-liquides ?

Le 13 février dernier, le CNCT (Comité National Contre le Tabagisme) a publié les résultats de son projet d’étude sur les nouveaux produits du tabac et de la nicotine, mené entre 2020 et 2022. Non-respect de la législation française encadrant la publicité des nouveaux produits du tabac et du vapotage, émergence de nouveaux produits attractifs, phénomène de mode renforcé par les réseaux sociaux, arômes toujours plus nombreux… Plusieurs points impactants pour l’industrie de la vape ont été soulevés. Parmi eux, celui recommandant la suppression pure et dure des arômes autres que celui du tabac.

Par Le petit fumeur - 22/02/2023

Qu’est-ce que le CNCT ?

Fondé par le docteur Henry Blatin en 1868 sous le nom d’« Association française contre l’abus du tabac », celui que l’on appelle aujourd’hui Comité National Contre le Tabagisme est la plus ancienne association de prévention du tabagisme en France reconnu d’utilité publique depuis 1977. Depuis l’adoption de la loi Evin en 1991 disposant l’interdiction de fumer dans les lieux publics et de faire de la publicité, le CNCT est chargé par le Ministère de la Santé de veiller à sa bonne application.

À l’initiative de la première ligne téléphonique en France pour aider les fumeurs à arrêter (Tabaphone), le CNCT impulse et accompagne les grandes avancées de la lutte contre le fléau du tabagisme en France. Il a notamment particulièrement soutenu, dès 2016, l’interdiction de l’association d’arômes attractifs dans les produits du tabac comme le menthol, jugé comme attractif pour les femmes et les adolescents.

Le secteur de la cigarette électronique, de nouveau pointée du doigt

« Loin d’aider les fumeurs dans leur sevrage tabagique, la démultiplication des arômes dans les nouveaux produits vise uniquement à l’hameçonnage de jeunes consommateurs. Sans interdiction rapide des arômes, la situation risque de devenir incontrôlable ». Yves Martinet, professeur et président du CNCT.

« Les saveurs sont un facteur absolument capital de maintien dans la motivation. C'est un élément constitutif de l'efficacité de la démarche du vapotage qui, je le rappelle, est la méthode à la fois la plus efficace, mais aussi la plus plébiscitée par les Français pour quitter le tabac. » Jean Moiroud, président de la FIVAPE (Fédération Interprofessionnelle de la Vape).

Vous l’aurez compris, alors que le secteur de la vape a pour seule et unique vocation d’accompagner les personnes dépendantes au tabac dans leur sevrage, le CNCT ne voit pas la cigarette électronique comme un outil efficace dans la lutte contre le tabagisme.

Il nous semble pourtant important de rappeler que la e-cigarette n’est ni plus ni moins qu’un dispositif électronique permettant de produire de la vapeur en chauffant doucement un e-liquide aromatisé, sans combustion. Elle aide les fumeurs à se sevrer de leur addiction tabagique, en permettant à son utilisateur de conserver la gestuelle. Elle permet aussi de contrôler, puis de diminuer sa consommation de nicotine, sans subir les effets néfastes des substances chimiques contenues dans une cigarette classique.

Pourquoi le CNCT s’attaque à la vape ?

Synonyme d’innovations technologiques, le monde de la e-cigarette est en perpétuelle évolution. Appareils toujours plus performants, dispositifs inédits (comme les cigarettes électroniques jetables), profusion de nouveaux arômes… ce secteur connaît une croissance exponentielle dont on pourrait se réjouir mais qui, considéré comme incontrôlé par le CNCT, est une fois de plus pointé du doigt et dénoncé auprès des pouvoirs publics. Pourtant, même si le rapport du CNCT ne vise pas uniquement le secteur de la vape, les cigarettes électroniques jetables et les e-liquides aromatisés ont du souci à se faire.

Une interdiction de publicité peu respectée, un public cible de plus en plus jeune, une normalisation de la consommation des produits nicotinés… Si la loi interdit toute publicité visible de l’extérieur des produits de vape (qu’il s’agisse des buralistes ou des magasins e cigarettes électroniques) les enquêtes menées par le CNCT révèlent que plus d’une boutique sur quatre ne respecte pas la législation en vigueur. Côté digital, les promotions sont permanentes et la pratique du marketing saisonnier à coup de saveurs fraîches, fruitées ou gourmandes selon les périodes est largement utilisée par les fabricants et revendeurs de cigarettes électroniques jetables et d’e-liquides. Au lieu d’y voir un encouragement au sevrage tabagique, l’association y voit une publicité mensongère destinée à attirer un public toujours plus jeune et mal averti.

La cigarette électronique jetable et les e-liquides aromatisés dans le collimateur

Mais le problème majeur semble être l’explosion des puffs, ces cigarettes électroniques jetables et aromatisées arrivées dans l’Hexagone en 2021.

Proposées avec des arômes toujours plus alléchants et des prix bas (entre 5 et 17€), vendues en dehors des lieux spécialisés (comme les supermarchés, les enseigne de distribution de produits non-alimentaires, les kiosques parisiens, etc.), mises en avant sur les sites de vente en ligne et plébiscitées sur les réseaux sociaux, les puffs sont accusées de normaliser la consommation de nicotine et de la rendre récréative.

Aujourd’hui, le CNCT met en exergue trois points fondamentaux :

- une interdiction immédiate des arômes autre que celui du tabac pour l’ensemble des produits contenant de la nicotine,

- un meilleur encadrement de la vente de ces produits au détail afin d’en limiter l’accessibilité,

- une révision approfondie de la réglementation des nouveaux produits de la nicotine et de la nicotine en tant que telle.

Les recommandations du CNCT

Structurées selon les mesures de la Convention-Cadre pour la lutte antitabac de l’OMS, les recommandations de la CNCT résultent d’une investigation réalisée sur deux années, grâce à un observatoire empirique mensuel des magasins, une enquête « client mystère » sur un panel représentatif des lieux de vente, une analyse de la publicité réalisée dans la presse professionnelle et une enquête menée auprès des vendeurs.

En quelques points :

FISCALITÉ
Introduire une catégorie fiscale spécifique, autrement dit une taxation « comportementale », dont la finalité est d'influencer les comportements des consommateurs pour les détourner de pratiques jugées nocives pour leur bien-être.

LIEU DE CONSOMMATION
Interdire de vapoter dans tous les lieux où il est interdit de fumer.

RÉGLEMENTATION DES PRODUITS
Limiter au maximum la mise sur le marché de nouveaux produits de la nicotine conçus comme de nouvelles portes d’entrée dans l’addiction nicotinique voire tabagique.
Supprimer immédiatement tous les arômes autre que l’arôme tabac pour l’ensemble des produits contenant de la nicotine.
Contrôler davantage les produits accessibles à la vente et faire retirer tous les produits non conformes à la réglementation (en particulier au regard des teneurs en nicotine).

ÉTIQUETAGE ET CONDITIONNEMENT
Adopter un conditionnement neutre et des avertissements sanitaires adaptés dans une optique de réduction des risques, d’arrêt complet et d’absence d’initiation.

PUBLICITÉ
Interdire la publicité sur les lieux de vente, la réglementation en vigueur n’étant pas respectée et le lieu de vente étant stratégique dans le développement des ventes de ces produits.
Renforcer l’application de la législation sur les sites internet et les réseaux sociaux.

DISTRIBUTION
Interdire la vente des produits du tabac et de la nicotine dans les grandes surfaces et limiter leur accès aux magasins spécialisés.
Instaurer un mécanisme d’agrément ou de licence pour les magasins autorisés.
Interdire la vente en ligne de ces produits.

VENTE PAR LES MINEURS ET AUX MINEURS
Interdire la vente de ces produits par des mineurs et notamment l’impossibilité d’effectuer un stage ou une formation en alternance pour des mineurs dans les lieux de vente des produits du tabac et de la nicotine dans leur ensemble.
Contrôler l’effectivité de la mesure d’interdiction de vente aux mineurs et prévoir des sanctions dissuasives.

PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT
Interdire les cigarettes électroniques jetables.

Au final, les arômes pour cigarette électronique vont-ils être interdits ?

Si les autorités publiques ont été interpellées par le CNCT le 13 février dernier, à ce jour, le doute subsiste quant à l’avenir des produits nicotinés aromatisés. Bien que les e-liquides et puffs soient le plus souvent proposés à la vente sans nicotine, l'arôme serait, selon le comité, le premier pas menant à la nicotine et à l'addiction.

Il est pourtant intéressant de souligner que la nicotine n’est pas l’élément à bannir. Bien qu’addictive, c’est sa combustion, associée à d’autres éléments comme le goudron, l’ammoniac, le benzène ou encore le monoxyde de carbone, qui est responsable des dangers liés à sa consommation.

« Comment est-ce que vous voulez éloigner les fumeurs du tabac avec la saveur même dont ils cherchent à se défaire ? Ce n'est pas sérieux. Il faut arrêter de mettre le poison et le médicament dans le même sac et laisser les professionnels du vapotage faire leur travail. » Jean Moiroud, président de la FIVAPE

Affaire à suivre…

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