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Le «
Bio » est un concept complexe, porteur de sens et d'implications aux dimensions variables selon la position de l'observateur vis-à-vis de l'ensemble de la chaîne de production. Pour le consommateur, il est en règle générale synonyme de
santé (limiter la présence de produits potentiellement nocifs dans les processus de production et de transformation) et de faible impact écologique (pratiques agricoles durables).
En une phrase : la production et la transformation d'un
produit bio se fait dans des conditions soucieuses de la
santé et de l'
environnement.
Des labels assurent la cohérence et la continuité de ce concept. Soit des organisation tierces dont le rôle est de contrôler le respect des normes «
agriculture biologique ». Et ce à toutes les étapes qui séparent la production initiale du consommateur.
Le bio & le marché
Si cette vision est exagérément simpliste, elle a toutefois le mérite de mettre en évidence le raccourci logique exploité lorsque le
bio se voit observer dans un contexte parallèle à celui de la
production, on parle bien sûr ici de
consommation.
Il ne suffit pas de proposer des produits de qualité supérieure pour exister sur un marché. Il faut avant tout être capable de les vendre.
Or, s'il existe bien une continuité dans le bio, cette dernière demeure néanmoins fragmentée dans le temps (évolution des normes), dans l'espace (normes différentes Europe / USA / Japon). Et la pluralité des acteurs ainsi que des labels contribue fortement à rendre l'ensemble peu intelligible pour le consommateur. Il suffit de consulter
les textes relatifs à l'agriculture biologique en Union Européenne pour prendre la mesure de la complexité du dispositif. Tout en sachant que ces normes sont 1. critiquées par certains labels pour leur manque de sévérité, 2. sujettes à une évolution (avec de nombreuses implications en termes de tolérance pour l'écoulement des stocks
a posteriori), 3. pas valables partout dans le monde.
Dans ce contexte, il est bien difficile de transposer les vertus du
bio (qui sont bien réelles) à un discours marketing. Pour diffuser le
bio, il faut le vendre, et pour le vendre il faut des arguments simples et limpides.
Face à cette problématique, l'argumentaire marketing a sa solution (assez géniale d'un point de vue rhétorique). Celle-ci consiste à exploiter ce flou généralisé lui-même pour faire la promotion du
bio.
Ainsi l'argument initial « Un
produit bio a été produit/transformé dans des conditions soucieuses de la santé et l'
environnement » se voit simplifier à travers le prisme du discours marketing jusqu'à devenir « C'est
bio, donc c'est mieux ».
Ce raccourci fonctionne en faisant l'impasse sur ce qui est réellement important - à savoir le contenu concret des normes qui constituent le
bio – et se recentre sur l’
appellation bio comme une preuve de qualité se justifiant elle-même.
Autrement dit, au lieu de promouvoir l'impact réel d'une
production biologique soit : «Le produit se conforme à telles et telles normes, donc il mérite le
label biologique », le discours marketing généralement rencontré se limite à nous dire « C'est parce que ce produit a le
label bio qu'il est meilleur pour vous et l'
environnement ». En littérature on appellerait ça une synecdoque : la partie (la certification) se substitue au tout (ce que la certification traduit).
Cette approche a le mérite de fonctionner admirablement, comme en témoigne l'essor du
marché du bio (+14,7 % de croissance entre 2014 et 2015). Toutefois il s'agit d'une stratégie à double tranchant. Ainsi en justifiant le
bio par le
bio dans une sphère marketing, on finit par lui donner la propriété d'un gaz. A savoir celle d'occuper tout l'espace dans un volume donné. Lorsque la fonction commerciale prend le dessus sur la démarche initiale, il n'est plus forcément question pour les revendeurs de proposer une offre en adéquation avec les principes du
bio. Mais plutôt de l'utiliser comme tremplin vers d'autres parts de marché, sans se préoccuper outre mesure de la pertinence réelle du
bio pour un secteur donné.
Eliquides bio ?
L'exemple de la
cigarette électronique est extrêmement significatif. Depuis 2014 de nombreux
fabricants d'e-liquides ont mis sur le marché des gammes de
liquides ecigarette présentés comme
biologiques. Certains fabricants et revendeurs ont même complètement vu le jour pour mener à bien des projets articulés autour de ce concept. Sur le papier, il s'agit d'une intention d'autant plus louable que la
cigarette electronique touche également à la notion de
santé.
Néanmoins, l'
appellation e-liquide bio est d'emblée problématique en soi. Il n'existe à ce jour, aucune
certification biologique spécifique aux
eliquides. Rappelons-le, l'appellation “
bio” est un label qui s'obtient en respectant des normes. Or les normes supposées définir ce qu'est un
eliquide biologique n'existent tout simplement pas. Ces cas (extrêmes certes) illustrent parfaitement l'idée que le
bio en tant qu'outil marketing peut être complètement à coté de la plaque lorsqu'on tente de le mettre en perspective avec sa démarche initiale.
Eliquides partiellement bio
Si un
e-liquide ne peut pas (encore) être complètement
bio, le
bio n'est cependant pas totalement pas incompatible avec le marché de la
cigarette électronique. C'est ce que comprennent progressivement les fabricants historiques comme
Alfaliquid et
Liquideo.
Un
eliquide en tant que produit fini ne peut pas recevoir de
certification biologique, certains de ses composants en revanche le peuvent.
Pour rappel, un
e liquide à vapoter se compose d'une base mêlant
glycérine végétale et (très souvent)
propylène glycol. À cette base peuvent être ajoutés des
arômes de synthèse ou naturels, de la
nicotine et des additifs comme de l'alcool.
La
glycérine, les
arômes naturels et certains additifs peuvent être issus de l'
agriculture biologique. Ils peuvent donc profiter de la
certification bio. Toutefois, il est nécessaire de mettre cette notion en perspective avec le fonctionnement même de la
cigarette électronique.
Le cas de la
glycérine est particulièrement frappant. La présence de cette dernière dans un
eliquide est loin d’être anodine. Ses propriétés chimiques permettent en effet la vaporisation sans causer d’impact sur la
santé. Dans ces circonstances, on réalise facilement que la pureté du produit est fondamentalement plus importante que ses origines. Une molécule de
glycérine pure aura exactement la même formule, les mêmes propriétés et le même impact, peu importe son mode de fabrication, végétale,
bio, voire pourquoi pas synthétique (les coûts de production rendent ici la synthèse inutile.)
[caption id="attachment_39" align="aligncenter" width="1024"]
D’un point de vue chimique, la glycérine végétale pure est en tout point identique à son homologue bio[/caption]
Il en va de même pour l’ensemble des autres produits éligibles pour une
certification bio dans la composition d’un
liquide de vapotage. En matière de
santé, la pureté du produit est infiniment plus importante que son origine. De l’alcool de betterave pur à 100% c’est exactement la même chose que de l’alcool de canne à sucre pur à 100%, à savoir de l’éthanol. Pour obtenir les propriétés escomptées sans mauvaises surprises, on privilégie la pureté sur l’origine. Là est toute la différence.
Du coup le bio dans les e-liquides c’est du vent ?
La réponse est simple : c’est non.
Certes, il est évident que l’
appellation biologique d’un liquide en tant que produit fini est simplement trompeuse en 2016. Non, un
efluide dont certains composants sont effectivement
biologiques n’est pas plus neutre sanitairement qu’un
e liquide pour
cigarette electronique de qualité.
Il reste toutefois la dimension
environnementale.
Lorsque vous
vapotez un eliquide composé en partie de
produits bio, ce n’est pas meilleur pour votre
santé que n’importe quel
liquide prêt à vaper de confiance. Toutefois vous contribuez modestement à soutenir des initiatives de productions qui se veulent plus soucieuses de l’
environnement. Et ça, c’est déjà quelque chose.
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